6 9bre 1776
Je suis plus fâché que vous, monsieur.
Comment de malheureux écrivains mercenaires de nouvelles osent ils calomnier votre abdication généreuse? Je voudrais que vous demeurassiez, quand ce ne serait que pour les faire taire. La retraite n'est bonne que pour des malades inutiles comme moi. Si j'étais à Paris, j'y mourrais bien vite de la vie qu'on y mène, mais vous qui avez de la santé et qui êtes dans la force de l'âge, vous pourriez rester, ce me semble, pour être utile à vous et aux autres. On dit que vous travaillez avec une facilité étonnante; que vous mettez le plus grand ordre et la netteté la plus lumineuse dans tout ce que vous faites; que vous n'avez jamais l'air occupé en vous occupant toujours; que vous êtes aussi aimable dans la société qu'essentiel en affaires. Je conclus que c'est à vous de rester dans Paris et dans votre place.
J'ai écrit à m. le marquis de Condorcet, avant de recevoir votre lettre, dont je suis très touché. Je lui ai demandé la permission d'aimer toujours une belle dame qui est née dans mon voisinage, qui a tant contribué à mettre mon squelette en marbre, et qui est très bonne et très estimable.
Je ne sais si un ancien Romain sous le portrait duquel j'ai écrit, Ostendent terris hunc tantum fata, est à Paris ou à la Rocheguyon. Quelque part où il soit, je vous supplie de lui faire passer dans l'occasion, tout ce que je pense et penserai de lui jusqu'au tombeau.
Conservez moi, monsieur, par justice, l'amitié dont vous m'avez gratifié par générosité.
V. t. h. o. sr
Le vieux malade