1770-07-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gottlob Louis von Schönberg, Reichsgraf von Schönberg.

Vous me permettrez, monsieur, d'avoir l'honneur de vous recevoir avec les mêmes sentiments que j'ai reçu m. le prince Pignatelli, mais avec la même misère, en robe de chambre, et n'en pouvant plus.

Pigalle a sculpté mon squelette, mais il ne m'a pas guéri. Il ne fait durer que du marbre, mais un plus grand maître que lui se joue de nos corps et de nos âmes, et vous pulvérise tout cela. Vous autres, messieurs les meurtriers, vous l'aidez de toutes vos forces activement et passivement. Vanitas vanitatum et stultitia stultitiarum. Voilà l'inscription qu'il faut mettre sur tous les tombeaux. Cependant comme il faut jouir de la vie tandis qu'on la tient, j'en jouirai, monsieur, avec délices lorsqu'en revenant de votre régiment vous voudrez bien honorer ma petite retraite de votre présence. Vous y trouverez ma nièce qui vous en fera les honneurs mieux que je ne vous les ai faits.

Permettez moi de présenter mes respects à m. le prince Pignatelli. Agréez les miens, monsieur, et conservez moi vos bontés qui adoucissent tous mes maux.