à Ferney par Lyon 14e auguste 1776
A mon âge de quatre vingt deux ans, Monsieur, étant à cent trentes lieues de Paris, et accablé de maladies qui me mênent au tombeau, c'est une grande consolation pour moi de voir qu'un homme de vôtre mérite veuille bien se charger de mes affaires. Vôtre Lettre me fait connaitre vôtre caractère, vos sentiments et vôtre esprit. Je devais beaucoup aux bons offices de Monsieur D'Ailly à qui vous succédez, et à qui je dois la plus grande reconnaissance.
Vous trouverez, Monsieur, beaucoup de petites parties de rentes difficiles peut être à recouvrer, mais je n'ai heureusement ni dettes, ni procez, et il suffira du semestre courant de mes rentes viagères à ma mort pour arranger toutes les choses de convenance. Si j'étais éxactement paié de toutes mes rentes à Paris, j'en toucherais environ cinquante mille Livres, dixième déduit, mais je me borne à la somme d'environ Trente six mille Livres, afin qu'à ma mort, ou dans quelque occasion pressante on puisse trouver de quoi faire face à tout, sans déranger ni ma famille, ni vous, Monsieur, qui voulez bien avoir pour moi les mêmes bontés que Mr Dailly à qui je fais mes très sincères compliments.
Agréez les miens, Monsieur, et soiez persuadé de la sensible reconnaissance avec laquelle j'ai l'honneur d'être,
Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire