au Châtau de Ferney, par Versoy et Lyon 20e juillet 1768
J'eus l'honneur, Monsieur, de vous écrire il y a un mois, une longue lettre sur mes affaires dans lesquelles vous avez la bonté de me rendre tant de bons offices.
Aiant mis cette Lettre avec d'autres dans un paquet dont un genevois se chargea pour made Denis, j'ai lieu de craindre que ce paquet que ma nièce n'a point encor reçu, n'ait été perdu irréparablement. Dans cette crise je suis obligé de vous répéter qu'aiant promis à ma nièce une pension de vingt mille francs, à commencer au mois de mars de cette année, elle a déjà touché environ vingt cinq mille Livres. Ainsi comme elle m'a laissé pour quinze mille Livres de dettes pressantes à paier pour les dépenses journalières de la maison que nous tenions, et que de mon côté j'en dois tout autant, je suis obligé de continuer jusqu'en mars 1769, en cas que je vive, à prendre les trois mille Livres par mois que vous avez de rembourser à Mr De La Borde.
Je vous marquais, et je vous redis que la générosité de mr De La Borde consiste à m'épargner les frais du change et de la commission qui sont très considérables à Genêve, et que vous et Mr De La Borde vous êtes les deux hommes de Paris à qui j'ai le plus d'obligations.
On m'a mandé d'Anjou, que ce n'est point mr De Maulevrier le père qui me doit la rente que j'avais sur mr d'Estaing, mais que c'est mr De Maulevrier le fils, que les biens du père sont en direction, mais que les biens du fils n'y sont pas. J'ignore combien d'années mr De Maulevrier le fils me doit. Si vous vouliez bien me le mander, Monsieur, vous me tireriez d'un grand embaras. Et selon ce qu'on me mande d'Anjou je pourais être paié. Un mot de vous me mettra au fait.
Il faut encor que je vous dise que ce n'est qu'au mois de mars 1769 que je dois être paié de mr Le Duc De Virtemberg. Cet arrangement est très solide, tant pour moi que pour ma famille. J'ai fait à la fois son avantage et le mien. Mais en attendant, permettez moi de vous demander si je pourais tirer sur vous seulement trois mille livres, une fois paiées, indépendamment des mille écus que je reçois par mois des correspondants de mr De La Borde. En ce cas, je tirerais sur vous une Lettre de change vers le 1er Septembre; mais ne vous gènez point, et mandez moi si ces mille écus vous dérangeraient.
Quant à la bonté que vous avez de vouloir terminer un compte, je le tiens tout terminé puisque ce compte est fait par vous, et que vos régistres valent toutes les signatures. Mais si vous voulez absolument que Mr D'Hornoy le signe, mandez moi seulement s'il faut que je lui donne une procuration en forme, ou que je lui fasse une simple prière par écrit. Celà me parait fort égal. Tout cecy n'est qu'un arrangement d'amis.
J'ajoute que je vous envoie un certificat de vie, et que je ne vous en fournirai pas longtems de pareils.
J'ai l'honneur d'être avec la plus sensible reconnaissance, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire