16e Mars 1776
Vraiment, mon éloquent philosophe, vous aviez eu grand tort de ne me pas envoier le chef d'œuvre qui commence par Bénissons le ministre bienfesant, accompagné de la Comédie de l'esprit de contradiction rélativement à l'édit de Henri 3.
Il me fallait un tel ouvrage pour me réveiller de l'assoupissement où certains discours académiques venaient de me jetter. Je vous répète que si vous ne nous faittes pas l'honneur d'être des nôtres cette fois cy, je m'en vais passer le reste de ma jeunesse à l'académie de Berlin, ou à celle de Petersbourg. Il faut que Mr D'Alembert et vos autres amis remuent le ciel et la terre pour écarter les hommes médiocres.
On me mande que ces Messieurs ont fait de belles remontrances, parfaittement bien reçues, et qu'ils en vont faire d'itératives. Nous en avons fait aussi dans nôtre petit païs. Vous n'y trouverez que la simplicité helvétique, et vous nous pardonnerez la liberté grande.
Je remercie du fond de mon cœur Mr et Made Suard; mais j'opère toujours mon salut avec crainte et tremblement.
Je reçois dans ce moment vôtre Lettre du 10 Mars. Voicy le siècle de Marc Aurèle. Je prends la liberté de dire à son ministre que Messieurs ne sont pas tout à fait le sénat romain.
Made Denis est enchantée de vôtre stile et de vôtre intrépidité. Continuez, rendez ces gens là bien ridicules et bien méprisables jusqu'à ce qu'on les renvoie aux gémonies dont on les a tirés.
Ces Welches de Paris aiment tendrement leurs rois; ils n'en ont encor assassiné que trois, et n'ont condamné au bannissement perpétuel que Charles 7.