1776-03-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean de Vaines.

Je ne sais pas, Monsieur, si on fera d'itérratives remontrances, si les esprits sont encor divisés dans Paris, si on voudrait renouveller les tems de la fronde.
Je sais seulement que tous ceux qui ont éclairé la terre, et qui lui ont fait du bien, ont été paiés d'ingratitude. Je me souviens que dès que Neuton eut montré la lumière, nos Welches se bouchèrent les yeux. Mais tandis que les Welches de Paris se fâchent aujourd'hui contre le nouveau jour qu'on leur aporte, je vous réponds que toutes les provinces le bénissent. Les étrangers joignent leurs voix aux nôtres; les bons Suisses nos voisins sont dans l'extase.

J'attends les remontrances et le détail de ce qui s'est passé au lit de bienfesance, le premier lit dans lequel on ait fait coucher le peuple depuis la fondation de la monarchie. Je crains beaucoup que ce lit ne soit pas imprimé. Si vous l'aviez en manuscrit, j'aimerais mieux le recevoir de vôtre main qu'une ordonnance sur le trésor roial.

Si je m'en croiais, Monsieur, je vous écrirais plus de deux pages; mais je sçais que vous avez des occupations, qui imposent silence à la bavarderie. Par conséquent je m'arrête, et c'est bien malgré moi.

V: t: h: o: s:

le vieux malade V.