1754-11-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

Mon héros,

On vous appelait Thésée à la bataille de Fontenoy.
Vous m'avez laissé à Lyon, comme Thésée laissa son Ariane dans Naxos. Je ne suis ni aussi jeune ni aussi joli qu'elle, et je n'ai pas eu recours, comme elle, au vin, pour me consoler. Je resterai à Lyon, si vous devez y repasser. Il n'y a pas un mot de vrai dans ce qu'on disait de la pucelle; ainsi je vous supplie de n'en faire aucune mention dans vos capitulaires. Je n'ai d'autre malheur que d'être privé de votre présence, et de la faculté de digérer; mais avec ces deux privations, on est damné. Daignez vous souvenir dans votre gloire, d'un oncle et d'une nièce, qui ne sont que pour vous, sur les bords du Rhône, et tenez moi compte des efforts que je fais, pour ne vous pas ennuyer de quatre pages. Mon respect pour vos occupations impose silence à la bavarderie de mon cœur, qui court après vous, qui vous adore et qui se tait.

V.

M. le marquis de Montpesat m'a donné en passant, d'un élixir qui me paraît fort joli. Si jamais vous avez mal à la tête, à force de donner des audiences, il vous guérira; mais moi, rien ne me guérit, et je n'ai de consolation que dans l'espérance de vous revoir encore et de vous renouveler mes tendres respects.