1er Mars 1776
Je sais bien, Monsieur, que j'ai mal pris mon tems, et que j'ai excédé de mes lettres et de mes requêtes un ministre qui a des affaires un peu plus importantes que celles du païs de Gex.
J'ai eu avec vous la même indiscrétion. Je vous ai demandé si vous n'aviez rien dans vos papiers concernant l'abominable servitude des Corvées.
Je vous demande aujourd'hui une autre grâce. Je viens de recevoir un mémoir à consulter, sur l'existence actuelle des six corps, et la conservation de leurs privilèges, signé, De La Croix, avocat, à Paris, chez Simon, imprimeur du parlement.
C'est donc un procez qu'on intente au père du peuple, et au restaurateur de la France, pardevant le parlement chez Simon. Voilà ce grand homme bien paié d'avoir fait revenir Messieurs! J'ai assez d'amis et de parents dans le parlement de passade qu'on a sacrifié, pour vous assurer qu'ils n'auraient jamais fait une pareille démarche.
Ce mémoire, signé Lacroix, me parait aussi insidieux qu'injuste. L'auteur supose qu'il répond à Mr le président Bigot de Ste Croix. Je suis trop suisse pour savoir qui était Mr le président Bigot. Je n'avais jamais entendu parler de son mémoire sur la liberté de fabriquer et de vendre.
Mais ce que l'avocat La Croix cite de Mr Bigot de ste Croix me donne grande envie de voir son livre. Si vous l'aviez oserais-je vous suplier de me le faire lire, et celà, Monsieur, sans préjudice de la grâce que je vous demande, de me renvoier les ordres de Monsieur le controlleur général en marge du mémoire de nos Etats que je lui ai adressé pour le païs de Gex. Je l'avais suplié de me faire réponse par vous, il n'en a rien fait, et je lui pardonne.
Votre t: h: o: sr
Le vieux malade de Ferney V.