1er mars 1776
Le vieux malade, monsieur, vous demande bien pardon de vous avoir importuné pour avoir l'édit concernant l'école militaire.
Il l'a lu dans un journal, mais sa grande passion est pour les corvées et pour les maîtrises.
Il vient de lire le factum de maître La Croix de l'ordre des avocats. Voilà donc m. Turgot qui a un procès en parlement, tandis que le roi en a un autre au sujet des remontrances. Les voilà tous deux bien payés d'avoir rétabli leurs juges. Tous deux doivent être charmés de la reconnaissance qu'on leur témoigne.
Ce factum de maitre la Croix parait très insidieux, il écarte toujours avec adresse le fond de la question, et le principal objet de m. Turgot, qui est le soulagement du peuple; il est bien clair que toutes ces maîtrises, et toutes ces jurandes, n'ont été inventées que pour tirer de l'argent des pauvres ouvriers, pour enrichir des traitants, et pour écraser la nation. Voilà la première fois qu'on a vu un roi prendre le parti de son peuple contre messieurs.
C'est le mémoire de m. Bigot, imprimé, dit on, il y a cinq ou six mois, que j'ai une extrême impatience de lire. C'est contre ce m. Bigot que ce maître Delacroix présente requête au parlement. Heureusement mr Bigot, qui était président de je ne sais où, est mort, mais le corps de l'écrit subsiste.
J'ose vous supplier, monsieur, de vouloir bien m'envoyer ce corps de délit. Je suis curieux de voir comment on a eu l'insolence de soutenir qu'un homme pourrait à toute force raccommoder des souliers ou recoudre des culottes sans avoir payé cent écus aux maîtres jurés.
En un mot, monsieur, j'implore vos bontés pour être instruit de tout ce qui se passe dans ce procès de messieurs contre le roi et son peuple, mais je ne veux abuser de votre temps qui est précieux. Je vous demande simplement d'ordonner qu'on m'envoie tout. Il faut avoir pitié d'un vieux solitaire.
J'apprends que les prêtres se joignent à messieurs, dieu soit beni!
Vous ne sauriez croire combien mon cœur est pénétré de reconnaissance pour vous.