22e Xbre 1775
Monseigneur,
Vous avez d'autres affaires que celles du pays de Gex.
Ainsi je serai court.
Quand je vous ai proposé de sauver les âmes de soixante fermiers généraux pour une aumône d'environ cinq mille livres, c'était bon marché, et c'était même contre mon intention que je vous adressais ma prière parce que je crois fermement avec vous qu'il faut les damner pour leurs trente mille livres.
Quand je suis allé à nos états malgré mon âge de quatre-vingt deux ans et ma faiblesse, ce n'a été que pour faire accepter purement et simplement vos bontés, sans aucune représentation.
Si on en a fait depuis, pendant que je suis dans mon lit, j'en suis très innocent, et de plus très fâché.
Je ne me mêle que de ma petite colonie. Je fais bâtir plusieurs nouvelles maisons de pierre de taille que des étrangers, nouveaux sujets du roi, habiteront ce printemps.
Je défriche et j'améliore le plus mauvais terrain du royaume.
Je bénis en m'éveillant et en m'endormant monsieur le duc de Sully Turgot.
Si je devais mourir le deux janvier 1776, je voudrais avoir fait venir pour mes héritiers le 1er janvier dans ma colonie du sucre, du café, des épices, de l'huile, des citrons, des oranges, du vin de St Laurent, sans acheter tout cela à Genêve.
Je vous supplie de croire que si j'étais encore dans ma jeunesse, si par exemple je n'avais que soixante et dix ans, je ne vous serais pas attaché avec plus d'admiration et de respect.