1775-10-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Anne Robert Jacques Turgot.

Monseigneur,

Nos états, et moi chétif, nous vous réitérons que nous acceptons avec transport les propositions que M: De Trudaine a eu la bonté de nous faire de concert avec vous.
Nous sommes bien éloignés d'oser mettre des conditions à vos bienfaits. Nôtre province sera trop heureuse en pouvant commercer librement. Toutes les mesures sont déjà prises pour profiter de la grâce que vous daignez nous accorder; et on vient de faire bâtir des magazins à Ferney pour recevoir toutes les marchandises qui viendront des païs méridionaux par Genêve.

On veut nous faire craindre que la ferme générale insiste sur une indemnité annuelle de quarante à cinquante mille Livres. Vous savez, Monseigneur, combien nôtre petit païs est pauvre. Les bureaux multipliés qui achêvent nôtre ruine, ont été très souvent à charge à la ferme générale; et malgré les véxations les plus continues, elle n'en a jamais tiré plus de sept mille francs, dans les années les plus lucratives. Nous offrons de leur en donner quinze mille. Cette somme sera prise, comme de raison, sur tous les possesseurs des terres; rien n'est plus juste. Nôtre petit païs est digne de vôtre attention, parce qu'il est très malheureux. Il ne le sera plus. Mr L'Affichard, de plusieurs académies, me mande qu'il viendra danser avec nous dès qu'il aprendra l'effet de vos bontés.

Daignez agréer, Monseigneur, le respect et la reconnaissance du vieux malade de Ferney, aussi vieux que Mr Laffichard.

V.