à Ferney 8e janvier 1776
Mon cher ami, je vous écris pour vôtre tante et pour moi.
Elle est toujours malade, ou plutôt faible, et moi qui suis l'un et l'autre, je me sers de la main de l'ami Wagniere qui se porte bien à présent.
Il faut d'abord que je vous dise combien nôtre petit païs de Gex est heureux. Les troupes de la ferme générale sont parties. Nous avons pour environ quinze francs le minot de sel qui nous en coûtait quarante. Nous commerçons librement sans paier aucun droit. Le peuple est dans une joie inconcevable et nous paions de grand coeur une légère indemnité à la ferme. Cet essai que M: Turgot vient de faire l'engagera peut être à établir la même liberté dans toute la France. Nôtre petit Païs n'est que de dix lieues quarrées, la France en a environ quarante mille, ainsi de compte fait, le ministère lui peut procurer quatre mille fois autant de bien qu'à nous. Je suis trop vieux pour voir de si beaux jours, mais compte mourir bien doucement puisque je les vois commencer. L'ivresse où nous sommes ne m'empêche pas de songer à la montre que vous demandez. Voicy la réponse que l'horloger fait à nôtre ami Wagniere. On éxécutera vos ordres dès qu'on les aura reçus.
Portez vous bien, Madame D'Hornoy, vos enfants et toute vôtre famille. Farewel dear friend I am entirely your
V.