1775-07-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Cosimo Alessandro Collini.

Je n'ai pu encor vous remercier, mon cher ami, de vôtre Lettre du 30e juin.
Mes quatre vingt deux ans, et toutes les misères qui en sont la suitte, me laissent rarement la force de faire tout ce que mon cœur me dicte.

J'ai été vivement touché de la maladie de son Altesse Electorale. Je prendrais la liberté de lui écrire s'il n'était pas trop tard. Ce n'est pas assez de faire son devoir, il faut le faire à tems.

Vôtre médecin du diable qui a éxorcisé les malades du palatinat ne me parait guères plus charlatan que les autres médecins qui se vantent de connaître la nature et de la guérir. Il est triste que dans nôtre siècle il y ait encor des malades qui se vantent de connaître la nature et de la guérir. Il est triste que dans nôtre siècle il y ait encor des malades qui se croient possédés du diable; mais la philosophie ne sera jamais faitte pour le peuple. La canaille d'aujourd'hui ressemble en tout à la canaille qui végétait il y a quatre mille ans.

Je suis un peu accablé des soins que me donne ma colonie de Ferney, qui s'est beaucoup augmentée; mais, quelque chose qui m'arrive, soyez sûr que je ne vous oublierai jamais.