31e juillet 1775
Mon cher ange, il faut avoir pour moi grande commisération.
Je n'ai jamais mieux senti combien il est triste de passer sa vie loin de vous. Je n'ai pas manqué d'écrire à Mr De La Reyniere au sujet de trois paquets que je lui avais envoié pour vous successivement, depuis environ six semaines. Il m'a répondu par sa lettre du 23e juillet qu'il n'en avait reçu aucun. Je lui en avais aussi adressé un pour Mr Wattelet1, et il m'assure que ce paquet ne lui est pas plus parvenu que les autres. Je me le tiens pour dit. Je chercherai point d'autres éclaircissements. Je suis confondu. Il faut donc renoncer à toutes les consolations de la vie, lorsqu'on est près de la quitter. Il était bien doux pour moi de vous ouvrir mon cœur. Vous savez avec quelle confiance je vous ai toujours parlé, et cette confiance n'a jamais été indiscrète. Je ne crois pas vous avoir jamais écrit un mot qui pût déplaire à personne. Nonseulement des paquets très indifférents ne vous ont pas été rendus, mais je vois que ma Lettre de remerciements à M: Le Maréchal De Duras a eu le même sort. Je n'ai d'autre parti à prendre que de lui en écrire une autre en droiture. Je vous répéterai icy ce que je vous mandais.
Je vous disais que mon jeune homme avait obtenu de son maître une place et des encouragements qui lui procureront une fortune honorable, et que parconséquent il n'a plus rien à demander à personne.
Je vous parlais de Legros qui va comme Lekain jouant en province. Je ne crois pas qu'on puisse se plaindre ni vous compromettre pour une pareille correspondance.
J'ai lu dans quelques papiers publics que M: Le Duc De La Vrilliere avait la surintendance des postes; celà ne m'a pas paru vraisemblable. Quoi qu'il en soit je ne sais plus où j'en suis. Je sais seulement que je respire encor pour vous aimer de tout mon cœur et pour vous être attaché bien intimement jusqu'à l'instant où il faudra cesser d'exister.
V.