Je vous envoie, mon cher ami, un exemplaire du livre arrivé de Hollande. Vous reconnaitrez aisément que le titre peut avoir été substitué à celui dont je vous ai parlé. Il est très vraisemblable qu'il aura imprimé deux titres, l'un pour nous, l'autre pour le public. Vous avez vu la lettre qui ne permet pas d'en douter. Je me flatte que ce libraire fera de sérieuses réflexions sur ce que vous aurez eu la bonté de lui mander. Il ne lui en coûtera qu'un quarré de papier pour être honnête homme et pour s'épargner à lui et à ses protecteurs des chagrins cruels. Je lui ai écrit moi même pour l'avertir de l'injustice qu'on lui fait de le croire capable d'une telle infamie et je crois que ma lettre ne peut ni le compromettre ni l'effaroucher. Mais j'attends beaucoup plus de vos remontrances que des miennes.
Je vous supplierai, mon cher ami, quand vous serez à Genève, d'empêcher qu'il n'entre aucun de ces livres dans la ville. J'ai bien peur que Marc Michel n'en ait envoié quelques uns à Philibert, vous en jugerez par la note que je joins icy et que m. Coladon a envoiée. Vous verrez quel parti votre droiture et votre prudence pourront prendre dans cette conjoncture. Vous pourriez demander à acheter un de ces exemplaires; vous le confronteriez et engageriez Philibert à n'en point vendre dans la ville. En un mot, mon cher ami, j'espère en vous, et je me flatte que nous nous verrons avant que vous quittiez votre campagne.