21e Janv: 1765 au château de Ferney par Genêve
Il faut, Monsieur, que vous aiez eu la bonté de m'envoier il y a six mois vôtre horoscope d'Auguste, car mr Thiriot me l'a fait tenir depuis huit jours.
Souffrez que je vous remercie en droiture. Si je m'adressais à lui, ma lettre ne vous parviendrait qu'en 1766. J'aurais, si je voulais, un peu de vanité, car j'ai toujours été de vôtre avis sur tout ce que vous avez écrit. Souvenez vous, je vous prie, de la dispute sur la masse multipliée par le quarré de la vitesse. Je soutins vôtre opinion contre la mauvaise foi de Maupertuis, qui avait séduit made Duchâtelet. Vous m'avez éclairé de même sur plusieurs points de phisique. Je vous trouve par tout aussi éxact qu'ingénieux. Il n'y a que les Egyptiens sur lesquels je ne me suis pas rendu. J'aime tant les Chinois et Confucius que je ne peux croire qu'ils tiennent rien du peuple frivole et superstitieux d'Egypte.
De toutes les anciennes nations l'égyptienne me parait la plus nouvelle; il me semble impossible que l'Egypte, inondée tous les ans par le Nil, ait pu être un peu florissante avant qu'on eût emploié dix ou douze siècles à préparer le terrain. La pluspart des régions de l'Asie aucontraire, se prêtaient naturellement à tous les besoins des hommes. Le païs le plus aisément cultivable est toujours le premier habité. Les piramides sont fort anciennes pour nous, mais par raport au reste de la terre elles sont d'hier, et à l'égard de nous autres Gaulois ou Welches, il y a deux minutes que nous éxistons. C'est peut être ce qui fait que nous sommes si enfans.
Adieu, Monsieur, vous mériteriez d'éxister toujours. Agréez avec vôtre bonté ordinaire la très tendre et très respectueuse reconnaissance de vôtre très humble et très obéïssant serviteur,
V.