[c. 25 June 1766]
Vous avez dû, monsieur, recevoir une collection d'assez mauvais ouvrages encore plus mal imprimés et remplis de fautes typographiques, sans compter celles de l'auteur; je me flatte que vous m'en accuserez la réception.
J'ai été si charmé pour l'honneur des lettres, de voir un homme de votre mérite quitter la profession de Patru pour celle des Etiennes, vos attentions pour moi m'ont tant flatté que je voudrais n'avoir jamais eu que vous pour éditeur. Si jamais cette entreprise pouvait s'accorder avec celle des Cramer ce serait peut être rendre service à la littérature. J'ai corrigé tous mes ouvrages dans ma retraite avec beaucoup de soin et surtout l'histoire générale qui est un fruit de trente ans de travail, conduit à sa maturité autant que mes forces l'ont permis.
Je ne sais si vous exécutez le projet dont vous m'aviez parlé; je souhaite que vous puissiez en venir à bout sans vous compromettre, en ce cas on vous enverrait plusieurs chapitres nouveaux et quelques additions assez curieuses. Quant à la pièce d'un de mes amis, accompagnée de notes historiques, un ministre d'état qui a eu la bonté de la lire a craint que parmi ces notes, il ne s'en trouvât de trop hasardées qui pourraient être préjudiciables à l'éditeur; je sais que l'auteur est actuellement occupé à donner à ces notes une tournure moins dangereuse et à les présenter sous un aspect qui effarouche moins les hypocrites et leur donne moins de prise, le fond subsistera, la forme seule sera changée. Je crois qu'il pourra bien se passer plus d'un mois avant que l'on vous porte ce manuscrit. Comptez, monsieur, que je m'intéresse véritablement à vous. Je vous prie de me mander si vous êtes content de votre nouvelle profession, je voudrais être à portée de vous marquer par des services l'estime que vous m'avez inspirée.
Vous devez voir par ma lettre qu'il n'est pas besoin que je signe mon nom.