Mardi soir [13 June 1775]
Nous venons de faire mes adieux au grand homme, nous l'avons trouvé dans son lit, il souffrait, à ce qu'il disait, mais il paraissait plein de vie et de très bonne humeur.
J'ai causé plus d'une demi-heure tête à tête avec lui, je n'ai été heureuse à Ferney que quand je l'ai vu de cette manière, je serais partie bien désolée si je n'avais pu lui montrer encore tout ce qu'il m'inspire; il m'a fait mille caresses, il m'a donné mille tendres noms, il m'a encore priée de lui conserver mes bontés; Vous m'avez trouvé mourant mais mon cœur vivra toujours pour vous. Le mien était serré, je l'ai pressé très tendrement contre mon sein et je suis partie; mon frère était baigné de larmes, les miennes ont coulé en abondance en quittant sa maison, j'ai pensé avec douleur que je ne le reverrais peut-être plus. Madame Denis m'a comblée d'amitié, m'a montré les regrets les plus flatteurs, m'a prié de revenir cet automne avec vous et quelques amis. Ah! combien je voudrais le revoir encore et le revoir avec vous.