31e xbre 1774, à Ferney
Je vous parodie mal, mon frère, mais je vous dis bon soir, parce qu'en éffet je me sens sur la fin de la journée de la vie. Je vous remercie du petit éléxir que vous m'avez envoié; il me ranime un peu, mais ce n'est que pour un moment, et je vais retomber. J'ai passé des jours charmants avec vous; j'avais espéré qu'au printems je pourais avoir le bonheur de vous revoir encor, je me flattais trop. Tout m'avertit que les hôtels garnis de Paris sont pour moi des châteaux en Espagne. J'ai travaillé jusqu'à mes derniers jours, celà m'a valu des ennemis, mais aussi celà m'a valu vôtre amitié; ainsi je n'ai point à me plaindre. Vous êtes occupé à consoler Mr D'Argental de ses pertes; je le tiens moins à plaindre puisqu'il a un ami tel que vous. Buvez tout deux à ma santé; portez vous bien; amusez vous avec la poësie et la musique; soiez aussi heureux que la pauvre espèce humaine le comporte. Mes compliments à Messieurs vos frères; Made Denis vous fait les siens. Je vous donne ma bénédiction le plus tendrement du monde.
V.