18e 7bre 1768, à Ferney
Vous allez vous réjouir, Monsieur, et vous faittes fort bien.
On ne peut mieux prendre son tems pour aller voir le Pape que lorsqu'on lui donne des nazardes en lui baisant les pieds. Je ne suis lié à présent avec personne en Italie, et je me suis retranché presque toutes mes correspondances. Il n'y a peut être que deux personnes à qui je pourais écrire; l'une est le marquis Beccaria à Milan, l'autre le marquis Albergati à Vérone. Celui là joue la comédie tant qu'il peut, et est dit-on, un bon acteur. Si vous voulez je leur écrirai et je me vanterai d'avoir l'honneur de vous connaître. J'attends sur celà vos ordres. Pour moi je ne dois attendre de Rome que des excommunications. Vous recevrez plus de bénédictions des Dames que du Pape. Vous entendrez de belle musique qui n'est plus faitte pour mes oreilles dures. Vous verrez de beaux tableaux dont mes yeux affaiblis ne pouraient plus juger, et vous rencontrerez des arlequins en soutane qui ne me feraient plus rire.
Je vous souhaitte un bon voiage. J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux et les plus tendres, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur.
V.
Je présente mes respects à toute vôtre famille.