1776-01-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Michel Hennin.

Notre globe ou globule n'a jamais été gouverné que par des absurdités.
Je n'en connois point de plus forte que celle des Princes ou soi disant tels qui veulent avoir beaucoup de sujets et qui s'opposent à la population.

Après cette absurdité vient celle d'avoir prodigieusement d'orgueil et de se donner un maitre à trois cens lieues de chez soi.

Quand cent absurdités de cette espèce sont fortifiées par la grand messe alors on peut se vanter de passer sa vie aux petites maisons.

Les gens sensés comme vous m. sauront bien se mettre audessus de toutes ces impertinences. Je vous exhorte fort à suivre votre idée très raisonable de profiter de la permission du Roi sans demander celle des singes d'Italie. Je suis persuadé que cette seule permission couvre toutes les irrégularités prétendues que des cohéritiers pourroient vous imputer un jour.

Je présume encore que si dans la suite des tems vous vouliez prévenir un procès qui pourtant ne seroit point à craindre rien ne vous seroit plus aisé. Mais ce qui est bien sûr c'est que vous n'avez pas besoin des arlequins d'Italie.

Je n'aurois pû recevoir qu'hier réponse de M. d'Espagnac s'il m'avoit écrit à la réception de ma lettre. Il doit être accablé d'affaires dans ce moment, tant pour ses P… qu'au sujet de son fils. Je le crois aussi embarassé que vous. Nous verrons quels conseils lui donnera son frère C…d, e C, homme très instruit et assez Philosophe. J'ai marié chez moi votre prédécesseur; ce beau sacrement lui fut donné dans la Chambre qui est audessus de la mienne. Je vous offre la même bénédiction. Comptés que je m'intéresse bien vivement à cette affaire. Si M. d'Espagnac est assez hardi pour m'écrire j'aurai l'hr de vous communiquer sa lettre sur le champ.

Je présente mes sincères respects à Mad. votre femme et la prie instamment d'avoir un mépris égal pr Le P. et pour C. Le premier étoit un Polisson, et le second un homme à pendre.

Ayez la bonté de brûler cette lettre affin qu'on ne me brûle pas.