1765-12-11, de Marie Louise Denis à Adam Smith.

Samedy 7e du mois, vers les onze heures du matin, les gardes chasses de Made Denis, Dame de Ferney, vinrent avertir que des gens du Village de Saconnex chaissaient au nombre de cinq dans les allées du bois de Ferney qui est fermé de trois portes, et qui fait partie des jardins du château de Ferney.

Joseph Fillon, charpentier, demeurant à Saconnez, a déposé aujourd'hui 10 xbre devant le procureur fiscal, que c'était Mr Dillon qui était venu le prendre à Saconney, avec un soldat de la garnison de Genêve pour le mener chasser avec lui à Ferney. Que lui, Joseph Fillon, lui avait réprésenté que celà n'était pas permis; que Mr Dillon lui répondit que Madame Denis lui avait donné la permission et qu'il lui répondait de tout.

Quatre personnes ont déposés que Mr Dillon a dit en leur présence, qu'il mettrait le feu au château.

Trois personnes ont déposé que Mr Dillon était venu à midy dans le village de Fernex hier 9e du présent mois avec quatre personnes armées de fusils et de pistolets, qu'ils sont entrés chez le garde, qu'ils l'ont cherché chez lui et dans les maisons voisines et que Mr Dillon a dit en jurant qu'il l'aurait mort ou vif. Madame Denis fait juges de ces procédés tous les gentils hommes anglais qui sont à Genêve.

Mr Dillon se plaint qu'on a tué un de ses chiens de chasse; mais ce ne sont pas les gardes qui l'ont tué puisqu'il fut tué pendant que les gardes faisaient leur raport juridique, et qu'il le fut par les gens du village de Ferney, qui croyaient que ce chien appartenait à un braconier nommé Simon, du village D'Ornex, et qu'ils ne pouvaient pas savoir que ce chien avait été vendu quatre jours auparavant à Mr Dillon qu'ils ne connaissaient pas et qu'ils n'avaient jamais vû.

Il résulte de tous ces faits déposés dans le procez, que Mr Dillon doit réparer L'insulte faite à Made Denis et payer les frais du procez qui tombe sur les habitants de Sacconey.

NB: Le garde chasse chez lequel Mr Dillon alla avec main forte à Ferney, aiant voulu se dérober à sa poursuitte, s'est cassé les reins, et est en danger de la vie.

Made Denis comptait envoier ce mémoire hier à Monsieur Schmidt; elle avait dicté quatre mots pour être mis au bas du mémoire; on les a par inadvertance écrit sur une Lettre séparée. Made Denis répète qu'elle s'en raporte à la morale de Monsieur Schmidt, et au jugement de toute la noblesse anglaise qui est à Genêve; elle lui présente ses obéïssances ainsi que Mr De Voltaire.