[?October 1774]
Je vous remercie, Monsieur, des reproches flatteurs que vous me faites, de n'avoir pas suivi les voyageurs.
Si j'avois été prévenu de leur départ, je les aurois accompagnés, mais ils sont partis en bonne fortune. Vous m'avés appris à croire à peu de choses, mais je crois à votre immortalité et je suis persuadé que vous vivrés assés longtems pour jouir de la satisfaction de vous voir. Si je savois que je pusse vous être utile, si j'étois bien persuadé que ma visite vous fit réellement plaisir, je partirois demain; mais depuis tout ce que j'ai éprouvé mon esprit est tombé dans une espèce de léthargie. Je suis devenu si lourd, si triste, si ennuyeux qu'après la 1re entrevüe, vous me demanderiés peut être le jour de mon départ. Je vis ici pour vous seul; sans renoncer aux lettres, j'ai renoncé aux billevesées que je connois mieux que tout autre. J'ai la collection la plus ample, la plus variée de vos ouvrages. C'est le seul bien que la persécution ne peut m'enlever, nocturna verso manu, verso diurna. Ajoutés y Monsieur, un bien plus précieux encore, la continuation de votre amitié et de votre estime.
Marin