1774-07-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à François de Caire.

Monsieur,

Le souvenir dont vous m'honorez m'est bien précieux, il adoucit toutes les douleurs que mon âge de quatre vingts-ans et mes maladies continuelles me font souffrir.

Je ne connais point ce Monsieur Cintax ni le petit ouvrage qui est sous son nom; mais celui que vous daignez m'envoier m'inspire autant de reconnaissance, que j'ai eu toujours pour vous d'attachement et d'estime. Je n'ai jamais tant regreté vôtre absence qu'aujourd'hui. On va travailler à Versoy, et Ferney est devenu moins indigne de vous posséder. Il y a actuellement une vingtaine de maisons bien bâties dont quelques unes même sont très agréablement ornées et ont de fort jolis jardins. Le Roy a la bonté de faire paver ce village, qui n'est plus un village, et qui deviendrait bientôt une ville s'il était sous vos ordres.

Madame Denis sent ainsi que moi combien nous avons perdu par vôtre éloignement.

Je vous joins, Madame, à Monsieur De Caire; vous n'êtes point faits pour être séparés. Ferney n'ose pas être jaloux de Landau, mais il vous regretera toujours. Nous sommes pénétrés Made Denis et moi de reconnaissance.

J'ai l'honneur d'être avec bien du respect

Madame

De Monsieur De Caire et de vous

Le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire