1774-05-19, de Count Ivan Ivanovich Shuvalov à Marie Louise Denis.

J’aprends Madame avec le plus grand plaisir, que vos protégés partent pour la Russie.
Je joins ici une lettre de 20 Louis aux ordres de Monsieur de Voltaire, la some qu’il a eu la bonté de faire toucher à mr Druon pour son voyage. Mr le Baron Strogonoff présente à Mr de Voltaire ses remerciemens et ses respects. Il est cousin de celui qui a eu l’honneur de lui faire sa cour aux Delices. Mr Druon à son arrivée à Petersbourg trouvera tout ce qu’il lui faut pour son arangement. Le Baron Strogonoff écrit par ce courier en Conséquence, et il nous parait inutile d’écrire à Strasbourg. Premièrt on ne sait où adresser la lettre, et on sait que le gouvernement n’aime pas que les gens de quelques talens s’expatrient pour aller chés nous. Ils débarqueront vraisemblablement chés le Cte Schouvaloff, et que pour aller dans les terres du Baron Strogonoff il faut passer par Petersbourg, où mr Druon s’arètera quelque tems, et ira muni de ses instructions à la Campagne. Mr Voltaire a dans tous les coins du Monde des persones qui lui doivent leur bonheur, et qui bénissent son nom, et le vôtre. Ces deux que vous avés tirés de l’abime des malheurs doivent être pénétré de la reconnaissance, ils feront passer ce sentiment à leur postérité, qu’ils ne manqueront pas de multiplier chés nous.

Je vous prie Madame de présenter mes respects à Monsieur de Voltaire et mes remerciemens, pour des choses obligeantes qu’il m’a fait l’honneur de me dire dans votre lettre. Je n’ose pas abuser de ses bontés, de lui écrire, Les momens de ses ocupations sont précieux. On ne parle ici que de votre jeune Monarque, ses bones intentions, pour le bien de l’Etat intéressent tout le Monde, on répète ses paroles, on Copie ses lettres. Tout cela est admirable. Je voudrais être àprésent près de l’oracle de Ferney, à qui Je réitère encore mes respects, et mes homages. Je vous prie Madame d’être persuadée des sentimens que vous m’avés inspiré, et du tendre attachement et reconnaissance avec lesquels je serai pour la vie

Madame

votre très humble et très obéissant serviteur

Schouvaloff

NB. Madame Adelaide est tombée malade il y a quelques jours. La petite vérole se déclara hier. Madame Sophie est aussi malade. Le Roi a quité Meudon pour aller à la Meute, c’est aujourd’hui qui voit pour la première foix les Ministres.