le 23 Nov. 1738.
Remusb.
Monsieur Thieriot, Ne m'envoyés point la suite de l'Ouvrage de monsieur de Reaumur, sur les Insectes.
Mais je vous recomande l'envoy des fromages de Meaux; je vous prie de tâcher qu'ils soïent fraix, et qu'ils me parvienent promptement. Je vois avec plaisir que vous avés pris sur ce sujet des précautions, dans votre dernier voyage. Je suis monsieur Thieriot votre très affectioné.
J'ai dabord sorti de ma bibliotèque L'Histoire des Insectes. Elle ne m'est bone à rien, c'est une Curiosité inutille, qui ne nous mènera à aucune Vérité intéressante. Quandt à La Philosophie de Neuton Vous pouvés écrire à Emilie que je La regarde comme une explication fort ingénieuse des Merveilles de La Nature. Je Voudrois seulement qu'on ne fit point une panasée de L'atraction; elle explique pitoyablement Le flux et reflux de La mer, et elle me paroit tirée par les cheveux dans La réflection et la refrangibilité de la lumière. La philosophie a Le même sort que L'ont toutes Les choses du Monde, elles sont asservies à une espèce de Tiranie que leur imposse La mode; il y avoit un tems où qui conque parloit français étoit obligé d'employér le mot d'infiniment, nous avons veu un autre tems oû L'arangement prévalut, Le jargon de la philosophie à Vraisemblablement usé Les Tourbillons de Decart, il y à supstitué La gravitation de Neuton, je Vous répont qu'un nouveau philosophe muni de quelque nouveau mot et de quelque Calcul efrayant introduira un jour un Langage tout diférent, enfin je suis non conformiste en philosophie, très persuadé que les vérités que nous cherchons ne se découvriront jamais, j'estime ceux qui Veullent bien s'apliquér à faire des découvertes, il en est d'eux comme des alchimistes, qui en cherchant la piere philosophale trouvent d'autres secrets utilles au genre humain, en un mot il m'est impossible d'adhérer à un sisthème tant que je ne voix point qu'il satisfait à tous mes doutes, enfin je me regarde come une créature qui est plus propre à jouir que faite pour conoitre.
J'en viens àprésent sur L'esai sur le feux de la Marquise, c'est un Ouvrage qu'on ne peut asséz estimér, j'ai été surpris de trouvér tans de profondeur Dans l'esprit d'une française (ce n'est pas par où Vostre nation brille). Cette lecture m'a instruite en m'amusant, j'y ai trouvé une quantité de recherches Curieuses, et sur tout une modestie Vraiment philosophique qui m'a charmé, c'est là le vrai Caractère de Philosophe, il ne doit point se Hattér d'affirmér, son art est come celui de Galien un art congecturale, et la présomption n'est jamais plus insuportable que lorsqu'elle se joint à la conjecture; La Marquise fait des Conjectures; mais elle les donne pour telles, elle laisse jugér à ses lecteurs jusqu'à qu'elle point ils croÿent qu'elle peut avoir deviné le mistère de la Nature; parmi mille véritéz, parmi mille expériences, parmi de très bons Raisonnements, j'ai trouvé deux phénomènes qui me paroissent trop légèrement avancez; Le premier, et qui me paroit un reste des illusions de Pline le naturaliste, et que la marquise raporte affirmativement, qu'un ambrasement peux prendre dans une forêt par le mouvement Violent des Branches des arbres, je Voudrois bien Voir les autoritéz sur les qu'elles elle se fonde, Le cecont est qu'elle prétent que de certains Viviers jellent en Italie et en Suisse la Nuit aux mois de juin et juillet, j'aurois bien envie de m'inscrire en faux contre ces deux paradoxes et je crois que si la marquise Vouloit bien examiner les faits, qu'il en seroit come l'enfant [qui] naquit en Saxe avec une dent prétendue D'or.
[Vous pou]véz si vous le jugéz àpropos lui envoyér une copie de ce que je Vous écris
Federic
Bernard et Greset sont ils ensevelis dans une paresse éternelle? monsr de Montesquio ne travaille t'il plus? L'Histoire Romaine de Rollin auroit dû paroitre avant Echart, on n'auroit point dû La publiér.