à Wesel le 22 février 1774
Monsieur,
Le congé d’un an que mr vôtre respectable ami a bien voulu me procurer a été aussitôt accordé que demandé.
J’avais envoyé un placet au Roi mon maître par la voye du régiment où je sers, mais l’ordre de sa Majesté a prévenu le placet qui est resté chez le général inspecteur. Le protecteur généreux à qui je dois cette nouvelle grâce du grand Roi philosophe que j’ai le bonheur de servir, est sans-doute déjà instruit par le Roi lui-même du succès de sa demande; toutefois, Monsieur, je vous prie de vouloir bien lui communiquer ma lettre et lui présenter mes très-respectueux remercîmens. Pour surcroît de bonté ce célèbre ami des hommes m’a permis de prendre une somme d’argent, sur son compte, chez mr M. Michel Rey à Amsterdam; mais heureusement, j’espère n’être pas dans la nécessité d’abuser à ce point-là de sa bienfaisance. Car lorsque j’eus l’honneur de vous écrire, Monsieur, pour vous prier de suspendre les effets du zèle de mon protecteur, j’écrivis aussitôt à mon frère pour l’engager à m’aider. Son amitié et sa libéralité ne se sont pas démenties: il m’a répondu sur le champ dans les termes les plus obligeans, et m’a mandé qu’il enverrait incessamment une lettre de change à mr Haase. Je lui écris dans le moment que, mon congé étant arrivé, je n’attens plus que ses ordres pour me mettre en chemin. Je ne doute pas qu’il n’effectue au plutôt sa promesse, et même ma lettre et sa lettre de change se croiseront probablement. Alors je profiterai de l’offre généreuse que mr de V. m’a faite, et me rendrai auprès de ce grand homme. Je tremble que ma démarche ne soit trop hardie à l’égard d’une personne si respectable: mais, je vous l’avoue, Monsieur, j’ai tant à-coeur l’affaire dont il est question, et mr de V. m’accorde sa protection avec tant de générosité, que je me rendrais indigne de ses bontés si je négligeais d’en profiter.
J’aurais adressé cette lettre à mr de V. personnellement, puisqu’il a bien voulu se donner à connaître par sa dernière, si je n’avais jugé que le respect et la discrétion me le défendent à moins que mr de V. lui-même ne me le prescrive.
Il se passera encore environ 15 jours avant que je parte de Wesel, au reste, Monsieur, je prendrai la liberté de vous donner avis de mon départ.
Je suis avec la plus parfaite considération,
Monsieur,
Vôtre très-humble et très-obéissant serviteur
De Morival