1767-09-23, de Jacques Marie Bertrand Gaillard d'Etallonde à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Puis-je sans indiscrétion vous marquer ma Reconnaissance pour un Présent de 9 volumes que j'ai reçu il y a Environ Deux mois.
Mr Rey, Libraire à Amsterdam, me les a Envoiés franc de port avec une Lettre d'avis par la quelle il me mande qu'il a ordre de m'envoier tels Et tels Livres, Et qu'il me prie de lui en Mander la Réception. Il ne me dit point d'ailleurs quelle est la personne qui l'a chargé de m'envoier ces livres qui sont sans contredit ce qu'il y a de mieux dans la Littérature. J'ignore à qui je suis redevable d'un présent aussi flatteur: mais à Cette façon d'obliger je ne puis méconnaitre les personnes Généreuses qui sont en possession de me combler de leurs Bontés. J'ai toujours Espéré jusqu'à présent recevoir quelques renseignemens à ce sujet mais rien ne m'Eclaircit ou plutôt ne confirme mes Conjectures. Ce silence semblerait peût être m'indiquer que Celui qui m'oblige ne veut recevoir aucun remerciment, mais, Monsieur, je suis trop sensible à ce nouveau bienfait pour n'en pas témoigner ma gratitude à Celui à qui je crois en avoir l'obligation; il m'en a déjà trop coûté pour retenir si longtems mes sentimens; ainsi, Monsieur, j'espère que vous voudrez bien permettre que je leur donne enfin l'Essor. Je n'ôserais vous prier de me dire quel est l'homme respectable qui a déjà antérieurement tant fait pour moi, mais je vous supplie du moins de me faire sçavoir si vous avez Connaissance des livres dont j'ai l'honneur de vous remercier. En attendant que vous me fassiez la grâce de me répondre j'ai L'honneur d'Etre avec la considération la plus parfaitte,

Monsieur,

Votre très humble

Et trés obéissant serviteur

Morival