31e janv: 1774, à Ferney
Mon cher ami, je ne songe point à Sophonisbe.
Celle de Mairet est faitte pour le théâtre de Polichinelle, celle de Corneille pour être jouée dans une glacière, et la mienne pour ne l’être nulle part. Ce sont les Barmecides qui m’occupent. J’imagine que vôtre fortune dépend du succez de cette pièce. Mr D’Argental m’a mandé qu’il en était extrêmement content. Vous aurez eu tout le temps d’y mettre la dernière main. Préparez vous donc pour le jour de la bataille. Cette victoire achêvera de confondre vos rivaux si vous en avez, et de mettre le comble à vôtre gloire. Vos Lauriers jusqu’à présent ont un peu été entourés d’épines; mais ces épines tombent, et les Lauriers restent, après quoi viennent les récompenses. On entre à l’académie, on jouït, et on juge les autres. Voilà vôtre carrière toute tracée.
Je voudrais bien voir les Barmecides mais il n’y a pas d’aparence que je puisse obtenir cette faveur, il faudra attendre l’impression.
Il y a longtemps que je n’ai reçu de nouvelles de Mr D’Alembert, et que je ne lui ai écrit. La vieillesse et les maladies me rendent bien paresseux. Je vous prie, quand vous le verrez, de lui dire que Raton aimera Bertrand jusqu’au dernier soupir. Ce que je dis là pour lui je le dis pour vous.
J’ai perdu vôtre adresse. Je vous prie, quand vous aurez le temps et la fantaisie de m’écrire de vouloir bien me dire où vous logez. Si j’en étais cru, vous logeriez au Louvre.
V.
Quand vous m’écrirez je vous prie d’adresser vos Lettres à Gex.