16e janvier 1775
Raton avait adressé quelques éxemplaires d'un petit écrit à Messieurs Bertrand.
Il avait envoié ce chifon sous l'enveloppe de Monsieur De Rosni-Colbert. Il ignore si Monsieur Rosni-Colbert l'a fait passer à Messieurs Bertrand. On soupçonne que sa modestie l'en aura empêché. On ose croire pourtant, que ce chifon était très vrai et très raisonnable. Il répondait par des faits incontestables aux sophismes de Linguet contre la liberté du commerce des bleds, liberté à la qu'elle sa petite province est très intéressée.
Raton prépare autre chose pour Messieurs Bertrand.
Il s'agit aujourd'hui de l'affaire très sérieuse de l'officier Prussien. Nous envoions par ce courier à Made La Duchesse D'Anville, et à l'ambassadeur du Roi de Prusse, un projet de mémoire et de requête, par lequel nous demandons un sauf conduit d'un an qui nous est absolument nécessaire, et pendant lequel nous aurons le tems de mettre tout en usage et en règle, pour parvenir à nous faire rendre justice, suposé que Raton vive encor un an.
C'est à Mr Le Comte De Vergennes à donner ce sauf conduit, puisqu'il est pour un officier au service d'une puissance étrangère.
Nous désirons beaucoup qu'il soit conçu dans les termes que nous proposons. Cette petite faveur, très légère en elle même, mais très importante, dépend uniquement de Monsr Vergennes, qui ne la refusera pas si Mr De Maurepas la demande.
Nous suplions Made La Duchesse d'Anville, et Mr Le Duc de La Rochefoucaut d'obtenir pour nous la protection de Mr Le Comte de Maurepas.
Nous en donnons part à Mr D'Argental.
Nous suplions l'un des Bertrands de soufler de toute leur force le feu qui est dans le coeur généreux de Made D'Anville.
Elle leur fera voir le modèle de la requête, et le modèle du sauf conduit; ils le corrigeront, le réformeront, afin qu'il soit fait selon l'usage du païs.
Cette bonne action nous suffira, et sera pour nous un véritable gain de cause, sans offenser personne et sans rien risquer. Nous aurons ensuite tout le tems d'agir ouvertement, d'aller sur les lieux, d'écarter tous les obstacles, et de faire enfin triompher l'innocence et la vérité.
Je ne mets point dans cette Lettre la copie des papiers qui sont entre les mains de made la Duchesse d'Anville, pour ne pas rendre le paquet trop gros. Les premiers marons que j'enverrai seront adressés à Mr De Rosni-Colbert.
Les vieilles petites pattes de Raton se joignent pour vous embrasser.
V.