15e janv. 1774, à Ferney
Vous m'avez envoié, mon cher ami, un opéra qui me parait précisément ce qu'il faut aujourd'hui.
C'est un spectacle charmant, c'est un dialogue coupé, ce sont des vers délicieux faits pour la musique, par tout du sentiment et des tableaux, par tout des grâces. Guetri vous a bien de l'obligation.
Je vous avais prié de faire de Jolis riens, et aulieu de m'accorder ma requête vous faittes de très jolies choses. Vous me demandez pourquoi je n'ai pas fait imprimer le Spinosa de ce coquin de Sabatier. C'est qu'il ne me convient pas d'être l'éditeur de Spinosa; je veux bien qu'on sache que ce calomniateur compose des poisons, mais ce n'est pas à moi de les faire débiter. Je ne crois pas qu'il y ait un plus lâche maraud que ce Sabatier.
Vous me ferez grand plaisir de me dire s'il est vrai que nôtre confrère L'abbé de La Ville, soit nommé directeur des affaires étrangères, et qu'il soit Evêque in partibus infidelium. Celà serait plaisant, mais rien ne doit étonner.
Vous ètes donc comme celui qui avait envie de se marier tous les matins, et à qui l'envie en passait l'après dinér.
Bonsoir mon très cher successeur.
V.