1773-07-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean François Marmontel.

Soit que les commentaires des anciennes Tragédies vous occupent, mon cher confrère, soit que vous donniez des loix aux Incas(qui par parenthèse sont vengés aujourd’hui par Messieurs du Chili), soit que vous instruisiez nos jeunes princesses par quelque conte moral où vous mêlez l’utile dulci je vous prie instamment de répondre le plutôt que vous pourez à ma requête; La voicy.

Vous savez qu’un père de l’église nommé l’abbé Sabatier, nous accuse, vous, Mr d’Alembert, Mr Thomas, moi, et tutti quanti, d’être un peu hérétiques, ou du moins d’être tombés dans des erreurs qui sentent l’hérésie. Des gens de bien se sont laissés séduire par cette horrible accusation. L’intérêt de la religion éxige qu’on démasque nos ennemis qui sont hérétiques eux mêmes.

J’ai entre les mains le systême de Spinosa, éclairci et commenté par Mr l’abbé Sabatier, écrit tout entier de sa main, et signé Bathésabit, ce qui est à peu près l’anagrame de son nom; vous avez plusieurs de ses lettres, je vous prie de me les envoier, oportet cognosci malos. Confiez ce petit paquet à Mr Marin qui me le fera tenir sur le champ.

Mes occupations et mes souffrances, ne me permettent pas de vous en dire d’avantage; je me borne à vous assurer que je serai toujours fidèle à la bonne cause autant qu’à vôtre amitié.