9e auguste 1773
Mon cher historiographe, vous voilà donc entré dans ce chemin semé d’épines: mais vous le couvrirez des fleurs convenables au sujet.
Voilà d’ailleurs les Incas qui vous appellent. On prétend que les indios bravos après avoir détruit leurs vainqueurs, ont enfin mis sur le trône un homme de la race des anciens Incas. Ce n’est pas là vraiment une affaire de roman, c’est matière d’historiographerie. Vous en avez assez honnêtement dans le nord et dans le midi.
J’ai vu Mr de Garville, et je ne l’ai point assez vu. J’étais très malade, mais j’espère qu’il me donnera ma revanche.
J’ai reçu une brochure imprimée chez Valade. C’est une épitre à Sabatier et compagnie. J’ignore à qui j’en suis redevable. Je soupçonne Mr L’abbé du Vernet, et encor un autre abbé dont j’ignore la demeure. Je ne m’attendais pas, je l’avoue, à être deffendu par des gens d’église. Ceux cy me paraissent de la petite église des gens d’esprit, et du petit nombre des élus. Dans l’embarras où je suis de savoir à quel saint je dois des actions de grâce, je m’adresse à vous, mon cher ami. Je vous envoie ma réponse tout ouverte. Je vous suplie d’y mettre l’adresse, et de l’envoier à l’auteur qui est sans doute connu de vous ou de Mr D’Alembert. Il ne serait pas mal que l’on connût un peu à fond ce Mr Sabatier. Ses protecteurs sauront aumoins qu’ils sont fort mal servis par les gens qu’ils emploient.
Je me flatte que vous recevrez dans quelques jours un petit essai sur quelques révolutions de l’Inde, sur la perte de Pondicheri, et sur la mort funeste de Lalli. Celà est du ressort de feu l’historiographe et de L’historiographe vivant. Je puis vous assurer de la vérité de tous les faits. La plupart sont curieux, et peuvent même être intéressants six ans après l’évênement. L’auteur est un peu l’avocat des causes perdues, mais vous serez convaincu que Mr de Lalli était innocent, et que l’ancien parlement n’était pas infaillible.
Je suis enchanté que Laharpe ait remporté un nouveau prix. Je souhaitte qu’il en ait deux cette année, à la fin sa gloire forcera le gouvernement à lui rendre justice.
Adieu, mon cher et illustre confrère; continuez toujours à veiller sur nôtre petit troupeau, qui est toujours prêt d’être mangé par des loups.
V…