6e auguste 1773
Je reçois, Monsieur, vôtre Lettre du 31 juillet.
Vous ne me dites rien du gros paquet que je vous adressai il y a environ quinze jours sous le couvert de Mr De Sartine.
Je vous envoie aujourd'hui un petit paquet sous vôtre propre et privé nom. Il ne contient qu'un éxemplaire Lalli, et qu'un Morangiés, mais celà forme une masse assez grosse pour ne pas en hazarder deux. Vous pourez faire imprimer ces ouvrages à Paris si vous l'entreprenez, car il me semble que vous venez aisément à bout de ce que vous voulez. En attendant je continuerai à vous faire des envois chaque poste.
Non seulement les mémoires de Mr De Tolendal sont venus trop tard, mais il n'aurait pas été possible d'en faire usage en quelque temps qu'on me les eût adressés. Aucun des faits allégués dans ces mémoires n'est prouvé, et dans un tel ouvrage on ne doit parler que les preuves à la main. On parle dans cet écrit d'un Doien des substituts du procureur général, mais l'opinion de ce substitut n'est comptée pour rien. C'est aux conclusions du parquet que l'on s'en tient. Encor ne sont elles pas mises au rang des voix des juges. Le parquet propose et les juges disposent.
Le mémoire dit que le parlement envoia au roi pour le prier de ne point faire grâce. Celà est de la plus insigne fausseté.
A l'égard d'un Lally roi d'Irlande en 327, c'est une discussion que je laisse à Mr D'Hoziér.
Je vous dirai encor que jamais je n'attaquerai l'honneur de Mr De Bussi ni d'aucun des officiers qui ont servi dans l'Inde; se serait une extravagance atroce et impardonnable, qui ne servirait qu'à rendre la mémoire de Mr De Lally odieuse, et je déclare d'avance que si on veut flétrir la réputation de tous ces officiers dans l'histoire de la guerre de L'Inde que Mr De Tolendal dit être prête à paraître c'est le plus mauvais parti, et le plus dangereux que l'on puisse prendre.
Le motif de made De Laheuse et de Mr De Tolendal est très louable; mais la manière dont ils paraissent vouloir s'y prendre ne serait pas prudente. Ils craignent que le public n'attribue la perte de Pondicheri aux caprices et aux emportements que tout le monde, sans exception, a reprochés à Lally. Il me semble que cette crainte est très mal fondée. Les fragments sur l'Inde disent expressément le contraire.
Je vous embrasse du meilleur de mon cœur, et je vous fais juge entre Mr De Tolendal et moi.