24 septembre 1773, à Ferney
Vous avez, mon cher brigadier, un parent aussi étourdi qu’il est vieux et malade.
Je retrouve dans un portefeuille une lettre du mois de juin, à laquelle je croyais avoir répondu; mais, comme elle est parmi mes lettres à répondre, je m’aperçois de ma faute et je la répare comme je puis. Vous êtes devenu forgeron et moi horloger.
J’ai revu m. le chevalier de Boutteville. Je ne crois pas qu’il puisse vous être fort utile dans votre entreprise, mais, en tout cas, s’il pouvait vous être bon à quelque chose auprès de monsieur l’évêque d’Alais, qui est, je crois, son frère, je lui en parlerais.
Ma santé n’est pas de fer. On dit que m. le contrôleur général est un peu de ce métal, mais il paraît qu’il favorise ceux qui en font avec du charbon de terre et qui, par là, épargnent à la France beaucoup de bois, dont elle commence à manquer.
Je trouve dans votre lettre que vous devez réussir au mois que nos barbares nomment aoust, et que j’appèle toujours auguste.
Nous voici en septembre, par conséquent je dois vous faire compliment sur vos succès. J’y aurais certainement contribué; mais il me faut un autre métal plus précieux que votre fer; c’est de l’or qu’il faut continuellement fournir à notre colonie d’horlogers. Nous travaillons plus chèrement que vous; mais, quoique j’emploie plus de six cents artistes venus du pays étranger, m. le contrôleur général a été aussi impitoyable pour mes manufactures que pour la vôtre. Vous voyez qu’on peut se rendre utile sans ses secouis. Je vous en félicite; vous faites du bien à votre patrie et à vous; rien n’est mieux.
Madame Denis joint ses compliments aux miens. Je vous embrasse de tout cœur.
Le vieux malade de Ferney V.