1753-06-16, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Je suis charmé que vous soyés content du peu de séjour que vous avés fait à nôtre cour.
Vous ne devés qu'à vous même les politesses qu'on vous y a faites. J'aurais été à la joye de mon Cœur si j'avois pu contribuer à vous rendre les jours que vous avés passé avec nous agréable, pour tâcher de vous témoigner par là mes sentimens, qui ne varieront jamais à vôtre égard. Votre indisposition m'inquiète d'autant plus que je vous crois très mal logé dans ce Lion D'or. J'espère d'apprendre bientôt que vous vous portés mieux et que vous aurés continués votre Route. Toutefois il ne paroit pas à la Lettre que vous m'avés écrite que vous soyés malade, et il faut être sain pour écrire des Lettres aussi énergiques et aussi dégagées d'un fatras d'expressions inutiles. Je suis charmé que vous soyés content de nos salines. Elles coûte beaucoup, cependant les revenus en sont assés considérable. Le grand deffaut qu'elles ont selon moi c'est que les Bâtimens sont trop près les uns des autres et par conséquent sujet à être mis en cendres au moindre feu, ce qui seroit une perthe irréparable. J'ai lu ces jours passé dans Mr L'abbé Nollet que la Mer n'étoit salée que parcequ'elle dissout des mines de sels qui se rencontre dans son lit, comme il s'en trouve dans les autres parties de la Terre. Je vous prie de m'en dire vôtre sentiment.

Je suis persuadé comme vous qu'on ne change jamais un métal en un autre. Je n'avois aussi jamais entendu parlé de cet homme qui veut changer le plomb en étain. Nous mettrons cette découverte dans le même rang de ces mines d'Acier qu'on croit avoir trouvé dans ce pais. L'Acier n'étant rien autre chose qu'un fer rougi et trempé, par conséquent ne pouvant se trouver Naturellement dans la terre; cela saute selon moy aux yeux. Vous avés raison que je suis au dessus des Etiquettes et des formules, je ne les ai jamais aimé, et les aimerai encore bien moins avec des personnes comme vous dont je serois toujours charmé de cultiver l'amitié et de convaincre de plus en plus de l'estime la plus parfaite et de la considération la plus distinguée.

F.

Mon Père m'a chargé de vous faire ses complimens.