1771-06-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Étienne Bourgeois de Boynes.

Monseigneur,

Mgr Le Duc De Praslin sachant que j’avais fondé dans mon village de Ferney une Colonie des meilleurs artistes de Genêve en horlogerie, lui accorda toute la protection que les autres ministres lui donnaient.
Il commanda qu’on tint prêtes quelques montres, dont je crois qu’il voulait faire des présents aux puissances d’Afrique.

J’ose implorer pour cette fabrique utile les mêmes bontés de vôtre part. Nos artistes travaillent d’ordinaire à un tiers meilleur marché qu’à Paris, et plusieurs horlogers même de Paris prennent chez eux des ouvrages auxquels ils mettent leur nom. C’est une chose assez singulière que ces nouveaux sujets du Roi, qui travaillent dans un village depuis quinze mois, aient déjà fourni assez amplement L’Espagne, Constantinople, la Russie et la Hollande. Ils font entrer de l’argent en France, ils ont vivifié une petite province aussi pauvre qu’ignorée, et par là ils méritent vôtre protection.

Si vous avez, Monseigneur, quelques ordres à me donner sur ce sujet, ils seront éxécutés avec autant de fidélité que de promptitude. On enverra préalablement les prix de tout ce que vous pouriez demander, et n’aiant d’autre intérêt à cette entreprise que celui du bien public, et l’envie d’être utile, je ne vous en servirai que mieux. Je vous prie de n’imputer qu’à mon zêle les offres que je prends la liberté de vous faire.

J’ai l’honneur d’être avec bien du respect

Monseigneur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire gentilhome ordinre du Roy