1773-08-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

Je mets aux pieds de mon héros une troisième Lettre à la noblesse de son ancien gouvernement.
Quand le parlement condamnerait Mr De Morangiés par les formes, je le croirais toujours innocent dans le fond. Vous êtes Maréchal de France et juge de l’honneur; vous êtes pair du Roiaume et juge de tous les citoiens. Prononcez.

Si j’osais demander une autre grâce à nôtre Doien, je le conjurerais de ne pas flétrir une Electre composée avec quelque soin d’après celle de Sophocle, sans épisode, sans un ridicule amour, écrite avec une pureté qu’un doien de l’académie, un Richelieu doit protéger, représentée avec tant de succez par Mlle Clairon, et qu’enfin Mlle Raucourt pourait encor embellir. Je vous conjurerais de me racommoder avec elle, puisque Vous m’avez attiré sa colère. Je vous suplierais de ne me point donner le dégoût de préférer une partie quarrée d’amours insipides en vers allobroges, une Electre qui s’écrie,

Je ne puis y souscrire; allons trouver le Roi,
Fesons tout pour l’amour s’il ne fait rien pour moi,

Une Iphianasse qui dit,

J’ignore quel dessein vous a fait révéler
Un amour que l’espoir semble avoir fait parler,

Un Itis qui fait ce compliment à Electre,

Pénétré d’un malheur où mon cœur s’intéresse,
M’est-il enfin permis de revoir ma princesse?
Je ne suis point haï. Comblez donc tous les vœux
Du coeur le plus fidèle et le plus amoureux.
etca, etca, etca, etca, etca, etca, etca, etca.

Enfin, j’espèrerais que vous ne donneriez point cette préférence humiliante à un mort sur un mourant qui vous a été attaché pendant plus de cinquante ans.

Vous savez que mon unique ressource dans la situation où je suis, serait d’adoucir des personnes prévenues contre moi, en leur inspirant quelque indulgence pour mes faibles talents.

Je suis désespéré de vous importuner de mes plaintes. Je n’ai de consolation qu’en vous parlant de mon respect et de mon attachement inviolable.

V.