à Ferney ce 3e juillet 1773
Je vois bien, monsieur, que vous descendez d’un homme qui ne voulait pas assassiner ses frères pour plaire au duc de Guise.
On ne les assassinait il y a quelques années dans Abbeville que par arrêt de l’ancien banc du roi nommé parlement. Aujourd’hui on se contente de les calomnier. Ainsi le monde est tout le contraire de ce que disait Horace, il se corrige au lieu d’empirer. Je vais le quitter bientôt, et je suis bien aise de le laisser dans ces bonnes dispositions.
Plus il y aura d’hommes qui vous ressemblent, monsieur, moins il faudra dire de mal de son siècle. Mr D’Alembert qui m’a remis votre lettre et votre livre, est un de ceux qui me réconcilient le plus avec le genre humain. Il est encore un peu sot ce genre humain; mais à la fin la lumière pénétrera chez tous les honnêtes gens. Vous contribuerez à les éclairer, comme vôtre ancêtre à les laisser vivre.
J’ai l’honneur d’être avec respect, monsieur, votre &a.
Voltaire