1773-05-25, de Marie Jacques Amand Boïeldieu à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

L’occasion de l’un de mes amis qui va à Paris, me fait prendre la liberté de troubler un instant vos occupations, pour vous assurer de la Reconnoissance que j’ay le bonheur de vous devoir; vous avés daigné descendre jusqu’à moy, mettre le comble à la bienfaisance, en me donnant vous même vos précieux ouvrages: Voilà, Monsieur, le plaisir le plus grand que vous avés pu faire; je m’en occuppe avec mes amis et des Connoissances Respectables, et j’ay le double plaisir, de faire des jaloux de L’honneur que vous m’avez fait; ils reconnoissent tous la bonté de votre Cœur si bien peint dans vos ouvrages immortels; ils apperçoivent comme moy, que les Véritables grands hommes, mettent au rang de leurs vertus, L’affabilité et la Condescendance pour ceux mêmes qui leur sont le plus immensement Eloignés.
Je vous demande bien pardon, Monsieur, de vous être importun, je n’ai pas le bonheur d’avoir des talents pour employer des Expressions qui vous dédommagent de la peine de me lire: mais enfin, c’est un cœur reconnoissant, qui voudroit pouvoir vous prouver combien vous luy êtes devenu nécessaire et combien je suis avec le respect le plus profond

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Boieldieu