ce 18 mai 1772
Non assurément mon cher philosophe, je ne vous ay jamais soupçonné d’avoir eu la moindre part à ce libelle que Mr le Roy s’est diverti à faire contre moy.
Il est très permis sans doute de dire que je suis un plat auteur, un mauvais poète, un vieux radoteur, mais il n’est pas honnête de dire que je suis jaloux et ingrat, car sur mon dieu, je n’ai jamais été ni l’un ni l’autre. Je suis charmé que la petite leçon que M. le Roy m’a faitte m’ait valu une de vos lettres. Vous n’écrivez que dans les grandes occasions: vous consolez vos amis quand ils éprouvent des disgrâces. Je suis juste, je n’en aime pas moins l’article instinct de M. le Roy dans ce grand dictionaire sur le quel je vous fais de mon côté mes compliments de condoléance. J’en dois aussi à notre pauvre académie. Nous sommes tous sub gladio, et nous ne dirons pas
Cela pourait se dire à Florence où le grand duc donne une somme considérable pour l’édition de l’enciclopédie malgré les nottes qu’on y coult. Pour vous autres Welches, il faut bien que vous n’ayez aucun besoin des faveurs de la cour, car on ne vous les jette pas à la tête. Vous ressemblez au duc de Mazarin à qui Louis 14 avait refusé un régiment, Messieurs il m’a trouvé tant d’agréments qu’il m’a dit que je me pouvais passer de celui là. Au surplus vous savez que
Jouissez mon cher philosophe de votre réputation que personne ne vous ôtera, arondissez votre fortune, mariez votre fille, vivez heureux, soyez plus indulgent que M. le Roy. J’en ai besoin.
J’irai bientôt voir Damilaville, nous verrons qui de lui ou de moy avait raison. Je lui soutenais qu’il y avait dans la nature intelligence et matière, il me niait intelligence, et nous étions bons amis.
Soyez sûr que ma cervelle et mon coeur sont à vous. Si vous aviez pu lire quelque chose des questions, vous auriez vu de quelle respectueuse estime le questioneur est pénétré pour vous.
V.
18 may
Je ne peux écrire de ma main.