1772-04-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Phélypeaux, duc de La Vrillière.

Monseigneur,

Pardonnez moi ma surprise, je ne m’attendais pas que l’affaire inconnue et très embrouillée des ex-Jesuites dans le désert non moins inconnu du païs de Gex serait si parfaittement mise au net dans tous ses détails par un ministre d’état chargé d’un nombre si prodigieux d’affaires importantes.
Vous avez démêlé toute cette affaire beaucoup mieux que moi, et vous avez la bonté de m’en écrire, dans le tems que je tremblais de vous éxcéder par mes solicitations pour mon curé. Vôtre indulgence est extrême.

Un avocat au conseil présentera la requête comme vous voulez bien le prescrire. Je crois que le sr Hugonet n’est pas indigne de la grâce qu’il attend de vous. Il ne m’en coûtera qu’un peu d’argent pour lui obtenir un établissement honnête; ce sera à vous seul que j’en aurai l’obligation. La colonie qui et à Ferney est composée d’autant de catholiques que de protestants. L’union singulière qui règne entre eux tous fait voir combien le curé est sage, et que vous ne pouvez mieux placer vos bontés.

Je fais mille vœux, Monseigneur, avec toutes les provinces qui sont de vôtre département, pour que vous jouïssiez longtems d’une santé qui leur est si précieuse, et que vous passiez l’âge du Cardinal de Fleuri dans un ministère où vous n’avez fait que du bien. Votre tête et votre cœur valent mieux que la main que vous avez perdue.

J’ai l’honneur d’être avec un profond respect, un attachement et une reconnaissance sans borne

Mgr

v: t: h: t: ob: et très obligé sr.