28e janv: 1772
Le vieux malade de Ferney, a eu l’honneur, Monsieur, de vous envoier les fadaises du questioneur, par la voie que vous lui avez indiquée.
Je ne sais si vous aurez des moments pour lire des choses si inutiles. Un homme qui ne sort pas de son lit, et qui dicte au hazard ses rêveries n’est guères fait pour amuser.
Il me parait que tous les honnêtes gens ont été d’autant plus sensibles à la perte d’Helvétius que les marauts d’ex-jesuites, et les marauts d’ex-convulsionaires, ont toujours aboié contre lui jusqu’au dernier moment. Je n’aimais point du tout son livre, mais j’aimais sa personne.
Vous avez grande raison, Monsieur, de dire qu’on a souvent éxagéré la méchanceté de la nature humaine; mais il est bon de faire des caricatures des méchantes gens, et de leur présenter des miroirs qui les enlaidissent; quand celà ne servirait qu’à en corriger un ou deux sur vingt mille ce serait toujours un bien.
Quant aux barbares qui veulent des Tragédies en prose ils en méritent. Qu’on leur en donne à ces pauvres Welches comme on donne des chardons aux ânes.
Pour les autres Welches qui se passionent pour ou contre les parlements celà passera comme le jansenisme et le molinisme. Mais ce qui ne passera qu’après ma mort c’est mon tendre et sincère attachement pour vous, Monsieur, qui méritez autant d’amitié que d’estime.
V.