à Ferney 10e xbre 1771
Madame,
J’importune vôtre Majesté Impériale de mes félicitations et de mes battements de mains.
On n’a jamais fait avec elle. Une ville n’est pas plutôt prise qu’une autre est rendue. A peine les Turcs sont-ils battus sur la rive gauche du Danube qu’ils sont défaits sur la rive droite. Si on leur prend cent canons à Giorgiova, on leur en prend cent cinquante dans une bataille. Voilà dumoins ce qu’on me dit, et ce qui me comble de joie.
J’espère par dessus tout celà que l’attentat des confédérés sera pour vous un nouveau sujet de gloire.
Vôtre Majesté me permettrait elle de joindre à ce petit billet une requête de mes Colons? Vous vous souvenez que vous trouvâtes dans leurs caisses plus de montres qu’ils n’en avaient spécifié dans leurs factures. Les artistes qui par l’oubli de leur facture n’ont pas été compris dans le paiement ordonné par Vôtre Majesté, se jettent à vos pieds. Ce sont des gens dont toute la fortune est dans leurs doigts. Il ne s’agit que de deux cent quarante sept Roubles à ce que je présume.
Il y a un de mes artistes qui fait des montres en bague à répétition, à secondes, quart et demi quart et à carrillon. C’est un prodige bien singulier. Mais ces bagatelles difficiles ne sont pas dignes de l’héroïne qui venge l’Europe de l’insolence des Turcs malgré une partie de l’Europe.
Le Roi de Prusse s’est amusé à faire un poëme épique contre les confédérés. Je crois que Monsieur L’abbé d’Oliva paiera les frais de l’impression.
Que Vôtre Majesté Impériale daigne agréer le profond respect, l’attachement, l’admiration, la reconnaissance du vieux malade de Ferney.
V.