St. Pétersbourg 20 novembre 1771
Monsieur,
Sa majesté l’impératrice a daigné m’ordonner de vous demander, si dans le nombre des sujets du Parnasse qui vous considèrent à juste titre comme leur patriarche — il n’y aurait pas un jeune littérateur débutant dans sa carrière qui fût en état de composer un article de journal sur ceux qui suivent et que sa majesté m’a dictés elle même:
- 1. Sur l’horreur de l’attentat commis sur le roi Stanislas.
- 2. Rappeler à l’empereur des Romains que les Ottomans ont mis deux fois le siège devant Vienne.
- 3. Comment peut on supporter des garnisons turques dans des villes polonaises?
- 4. Sur la manière indigne et contre le droit des gens, avec la quelle la Porte ottomane traite les missions des puissances étrangères et en citer quelques exemples.
- 5. Jetter en avant l’étonnement qu’aurait Jean Sobiesky de voir ses compatriotes alliés des Turcs.
- 6. Les folles croisades durèrent autrefois plus de cent ans; pourquoi aujourd’hui la sage union de deux ou trois têtes couronnées est elle impraticable?
Voilà, monsieur, les principaux points que sa majesté désirerait voir traités, sans entrer dans de grands détails politiques; elle voudrait plus frapper le vulgaire que le persuader. Elle suppose que pour payer ce léger badinage, qui pourtant doit rester secret, mille ducats, dont j’envoye ci-joins une lettre à vue, doivent suffire; vous êtes en conséquence autorisé à les remettre à l’auteur que vous aurez choisi; mais elle tient infiniment à votre choix.
Comme ceci est pour ainsi dire une lettre officielle, je n’ose rien y ajouter pour ma personne que l’expression de mon admiration et de l’estime avec la quelle je suis monsieur, votre etc.
Comte André Chouvalof