Tournon ce 20 9e 1771
Monsieur,
Depuis que je connais le beau, je suis l'admirateur de vos ouvrages; cependant si je dois m'en rapporter à une lettre que j'ai reçue de Paris, quelques personnes me soupçonnent d'être l'auteur d'une brochure contre vous; cette brochure me dit on, est intitulée Tableau philosophique, et un homme que tout le monde admire y est outragé.
A ces mots il ne m'a pas été difficile de reconnaitre, que vous étiez un des objets de cette satire. Je serais bien malheureux, si vous me croyiez capable d'une pareille atrocité. Comment oserais je faire des satires contre vous, moi qui n'ai jamais répondu à ceux qui m'ont attaqué?
Sans doute quelque ennemi a voulu me déshonorer em m'imputant un attentat dont j'ai horreur; si mon coeur vous était connu, monsieur, vous sauriez combien je suis porté à rendre justice aux talents, et combien je serais affligé d'être regardé comme le vil détracteur d'un écrivain qui les possède tous. La circonstance d'une imputation odieuse, dont je défie qu'on produise la moindre preuve, me met dans le cas de vous faire ma profession de foi. Je me suis toujours exprimé dans les conversations, avec enthousiasme sur la beauté et la fécondité de votre génie; je vous ai cité plusieurs fois dans mes ouvrages avec les égards qui vous sont dus. J'aime trop les lettres pour ne pas estimer celui à qui elles doivent leur plus grand éclat; je tiens trop à mes plaisirs pour ne pas chérir le poète philosophe, qui a toujours intéressé mon âme, et éclairé mon esprit. Cet aveu ne peut rien ajouter à votre gloire, mais l'aveu que vous pouvez hardiment faire de mon innocence me rendra ma tranquillité.
Je suis avec admiration et respect,
monsieur
votre &a.