25 novembre [1770]
Je suis bien sûr, monsieur, que vos mélanges sur Suétone me donneront autant de plaisir que votre dernier ouvrage, et que j'y trouverai partout la main du philosophe.
Je mets une différence essentielle entre la Philosophie de la nature et le Système de la nature. Il y a, j'en conviens, deux ou trois chapitres éloquents dans le Système, mais tout le reste est déclamation et répétition.
L'auteur suppose tout et ne prouve rien. Son livre est fondé sur deux grands ridicules: l'un est la chimère que la matière non pensante produit nécessairement la pensée, chimère que Spinosa même n'ose admettre, l'autre que la nature peut se passer de germes. Je ne vois pas que rien ait plus avili notre siècle, que cette énorme sottise. Maupertuis fut le premier qui adopta la prétendue expérience du jésuite anglais Néedham qui crut avoir fait, avec de la farine de seigle, des anguilles qui le moment d'après engendraient d'autres anguilles. C'est la honte éternelle de la France que des philosophes, d'ailleurs instruits, aient fait servir ces inepties de base à leurs systèmes.
Vous êtes bien loin, monsieur, de tomber dans de pareils travers; et je n'ai vu dans votre livre que du génie, du goût, des connaissances, et de la raison.
Vous vous défiez sans doute de tout ce que rapportent des voyageurs qui ont ignoré la langue des pays dont ils parlent. Défiez vous aussi des écrivains qui vous ont dit que Newton, dans sa vieillesse, n'entendait plus ses ouvrages. Pemberton dit expressément le contraire, et je puis vous le certifier. Sa tête ne s'affaiblit que trois mois avant sa mort, dans les douleurs de la gravelle.
J'ai l'honneur d'être &a.