17 août 1771
… V. m. voudrait que j’écrivasse à Voltaire, à propos de philosophie, pour l’engager à ne point s’acharner sur les morts, ni sur les vivants qui sont censés morts, & qui devraient l’être pour lui par le peu de mal qu’ils peuvent lui faire.
Hélas, sire! il y a longtemps que j’ai pris la liberté de lui donner ce conseil, & v. m. voit quel en est le fruit. Il faut gémir sur le sort de l’humanité, qui ne permet pas qu’un seul homme ait à la fois tous les talents & toutes les vertus, & qui devrait pourtant le permettre, ne fût ce que pour dédommager la terre de porter tant d’hommes qui n’ont ni talents ni vertus. Cependant je ferai encore un nouvel effort d’après les représentations de v. m.; je représenterai aussi d’après elle à l’écrivain dont la France s’honore, qu’il est trop grand pour cette guerre de chicane avec des pandours; qu’il est trop juste pour ne pas rendre au mérite réel & reconnu la justice qui lui est due; que le plus grand homme a besoin d’indulgence, & s’en rend digne surtout par celle qu’il a pour les autres; que non seulement sa tranquillité, mais ses écrits mêmes y gagneront, & que ces expressions de sa haine qui reviennent à chaque page, les rendent d’autant moins intéressants qu’il en est des auteurs à peu près comme des comédiens:
Si j’avais à joindre l’exemple au conseil, & à lui rappeler les grands hommes qui n’ont opposé à la satire que la modération & leur gloire, je sais bien, sire, le modèle que j’aurais à lui proposer. Mais peut-être me répondrait il que ce modèle est plus admirable qu’imitable, & je ne sais pas trop ce que j’aurais à lui répondre….