A Paris, ce 6 Juillet 1770
Sire,
J'ose espérer que v. m. pardonnera la liberté que je vais prendre, à la tendre & respectueuse confiance que ses bontés m'ont inspirée, & qui m'encourage à lui demander une nouvelle grâce.
Une société considérable de philosophes & de gens de lettres, du nombre desquels je suis, ont résolu, sire, d'ériger à mr de Voltaire une statue, comme à celui de tous nos écrivains à qui la philosophie & les lettres sont le plus redevables.
Les philosophes & les gens de lettres de toutes les nations, & en particulier de la nation française, vous regardent, sire, depuis longtemps comme leur chef & leur modèle. Qu'il serait donc flatteur & honorable pour nous, qu'en cette occasion v. m. voulût bien permettre que son auguste & respectable nom fût à la tête des nôtres! Elle donnerait à mr de Voltaire, dont elle aime tant les ouvrages, la marque d'estime la plus précieuse & la plus éclatante, dont il serait infiniment touché, & qui lui rendrait cher ce qui lui reste de jours à vivre. Elle ajouterait beaucoup, & à la gloire de ce célèbre écrivain, & à celle de la littérature française, qui en conserverait une reconnaissance éternelle.
Permettez moi, sir, d'ajouter que dans l'état de faiblesse où m'ont réduit mes travaux, & qui ne me permet plus que des vœux pour les lettres, la nouvelle marque de distinction que j'ose vous demander en leur faveur, serait pour moi la plus douce consolation. Elle augmenterait encore, s'il est possible, l'admiration dont je suis pénétré pour votre personne, le sentiment profond que je conserverai toute ma vie de vos bontés, & la tendre vénération avec laquelle je serai jusqu'à mon dernier soupir &c.