1771-02-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques de Rochefort d'Ally.

Le vieux solitaire, monsieur, vous fait des compliments du fond de son cœur sur votre lieutenance des gardes.
Vous êtes trop heureux de servir sous monsieur le duc de Noailles; je vous supplie de lui présenter mes respects. C'est l'homme de la cour qui a le plus d'esprit, et qui en disant très souvent des choses fort plaisantes, c'est toujours conduit avec le plus de sagesse. Je serai sans doute attaché jusqu'au dernier moment de ma vie à la personne que nous regrettons; je lui dois tout, et il n'est pas dans ma nature d'être ingrat. Je ferai partir lundi 11 du mois votre montre; je l'adresserai à m. D'Ogny que sans doute vous avez prévenu.

Nous mourons de faim dans nos beaux déserts; le setier de blé y vaut environ vingt écus depuis près de quatre mois.

Je ne sais si vous connaissez un journal que l'on appelle les Ephémérides du citoyen. Il prétend que nous ne manquons de pain que parce que nous n'avons pas vendu assez de blé à l'étranger. Vende omnia quœ habes et sequere me.

Adieu, monsieur, mes respects à madame dix-neuf ans; conservez vos bontés pour le vieux malade du mont Jura.

V.